P5 Pascal - Improbables planètes

- Tu me chatouilles dit la jeune femme allongée à plat ventre sur le lit aux draps bleus.

Assis près d'elle, Richard dessinait sur le dos nu à longs traits. Avec les précautions d'un pomiculteur recueillant les fruits de son travail, il s'efforçait de doser les mouvements du pinceau pour suivre les courbes du corps d'Elise.

Sa tâche achevée, il prit un appareil numérique dans un tiroir et commença à la photographier.

- J'espère que je ne vais pas me retrouver sur Internet.

Le visage souriant démentait le vinaigre qu'auraient pu contenir les paroles.

- Pas d'anathème, je vais seulement les transférer sur mon ordinateur pour que tu puisses voir le résultat.

D'un mouvement souple la jeune femme se leva sans que son dos effleure les draps. Elle se dirigea vers l'ordinateur et se pencha sur l'écran. Je suppose que je ne peux pas m'asseoir tant que l'encre n'est pas sèche. Le nœud dans la gorge de Richard l'empêchait de répondre.

- Je ne sais si tu peux envisager une reconversion comme peintre mais tes préliminaires sont originaux.

- J'ai toujours aimé gribouiller réussit à bredouiller le jeune homme.

Sans répondre, elle se dirigea de sa démarche chaloupée vers l'électrophone, s'accroupit pour choisir un disque dans un meuble aux étranges tubulures.

La musique doucereuse s'éleva et le corps d'Elise ondula lentement.

Les mouvements de son dos couvert de dessins évoquaient d'improbables planètes.

Richard eut soudain l'impression que le monde s'était transformé en un immense tourniquet dont il était le pivot.

Le contact de la main d'Elise sur sa joue mit fin à la ronde infernale.

- Ne crois-tu pas qu'il est temps d'achever notre charade.

La chaleur qui émanait du corps de la jeune femme enveloppa Richard à la façon d'un zéphyr doux et voluptueux.

Il sut alors que le temps des désirs inavoués était révolu. Il espéra qu'un dieu miséricordieux l'entendrait et prolongerait éternellement cet instant.