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Tic-tic.

 

Le printemps a commencé avec ce bruit. Il fait encore chaud pour la saison. Cinq degré au dessus de la moyenne saisonnière. C’est ce que dit le météorologue de la télévision. Mais on sait depuis longtemps qu’il n’y a plus de saison. Ils devraient être habitués dans cette boîte à images et à sons. Elle se demande s’ils n’en n’ont pas marre de chaque fois répéter qu’il y a une différence de température pour tel ou tel jour, qu’il pleut trop, qu’il neige plus tôt, ou qu’il grêle fort tard.

 

Valérie s’est levée de mauvaise humeur ce matin. Ce tic-tic l’a tirée de son sommeil.

Les yeux encore mi-clos, elle va voir d’où provient ce petit bruit. Elle n’a rien vu. Elle s’est recouchée, en peignoir.

 

Tic-tic.

 

Ça recommence. Cette fois, elle sait avec plus de précision d’où ça provient. Elle se dirige d’un pas certain vers la fenêtre et tire d’un coup sec ses tentures. Eblouie par la lumière du jour, elle se surprend elle-même. La jeune femme met ses mains devant ses yeux sensibles.  Elle referme tout aussi vite ces tissus épais. Elle ne pense qu’à retrouver le calme de ses rêves mais cette fois elle est complètement réveillée.

La journée s’annonce mal.

Enervée, elle ne voit pas la queue toute poilue de son Minou et marche dessus sans aucune délicatesse. Un miaulement horrible déchire les tympans de Valérie et fend son cœur. Elle s’agenouille et tente d’appeler son petit chat pour s’excuser et lui faire le plein de câlins. En vain, il se cache en dessous du lit et ne bouge plus.

 

Il y a de ses jours où tout va mal.

Après s’être un peu brûlée le corps avec une douche trop chaude, Valérie n’a pas pu boire son café du matin. Elle a complètement oublié de faire les courses.

Sa journée au travail n’est pas des plus glorieuse. Elle se fait réprimander par son supérieur à cause de son humeur exécrable et se fait carrément fait engueulé au téléphone par un client mécontent.

Mais dix-huit heures sonnent. La fin d’une journée horrible s’annonce, enfin.

 

Après avoir fait rapidement les courses dans le petit supermarché du coin, Valérie rentre chez elle, non mécontente de retrouver son fauteuil et ses pantoufles. Elle enrage encore sur cette caissière trop lente quand le tic-tic la suprend une nouvelle fois !

 

Trop fatiguée et excédée, elle ne va pas voir à la fenêtre ce que c’est. Le visage dans les mains, elle pleure. Elle se laisse aller. Personne n’est là pour la regarder se vider de ses larmes. Personne pour la réconforter. Personne pour
l’écouter. Personne pour la serrer dans ses bras. Elle se sent seule, mal-aimée, et complètement vidée d’énergie.

 

Dix-neuf heures trente. La jeune femme n’a même pas le courage de se préparer un plat ni de réchauffer un souper surgelé. Dans son petit vingt-cinq mètres carrés, elle ne doit pas aller bien loin pour se faire couler un bon bain. Elle vérifie à deux reprises la température avant d’y déposer le pied, la jambe puis son corps tout entier. La mousse parfumée envahit la pièce. Une chanson romantique perce du mur des voisins.

Cette musique plonge la jeune femme dans des souvenirs douloureux. Mais elle se détend et relativise. Elle se doit de passer à autre chose. Ne plus penser à lui, ni à cette vie magique qu’elle avait avant.

 

Tic-tic.

 

Cette fois-ci, impossible à Valérie d’aller voir ce que c’est que ce bruit. Mais elle ne va pas se laisser faire.

Une demi-heure plus tard, elle sort du bain, complètement relaxée. Elle réussit à oublier cette mauvaise journée et est décidée à passer une bonne soirée, dans son lit, à lire son livre préféré.

Des boules quies dans les oreilles, plus aucun bruit ne vient titiller sa curiosité. Plus aucune chanson ne vient perturber ses sentiments du moment.

Confortablement installée dans son petit lit douillet et chaud, elle commence la lecture de son troisième chapitre quand, une petite ombre se détache des tentures mal fermées. Même si la jeune femme ne regarde pas dans cette direction, ses yeux peuvent voir cette chose bouger dans les airs, à proximité de sa fenêtre. Elle change de position et tourne le dos à cette ombre volante.

Elle finit par s’endormir assez rapidement, le livre encore dans les mains.

 

Le lendemain matin, toujours réfugiée dans ses boules d’ouates, Valérie n’entends rien du petit bruit. Pas même la sonnerie de son réveil ne l’a éveillée! Elle est presque en retard. Elle doit se dépêcher. Rapidement, elle se douche, s’habille en toute hâte et avale son café d’une traite. De bonne humeur et à l’heure, Valérie passe une bonne journée.

Comme tous les jours, elle part de son appartement et y arrive  avant son voisin.

 

Tic-tic.

 

Est-ce que ce bruit s’arrête quelques fois ? Se demande la jeune femme au fond d’elle-même. Cette fois, elle est bien décidée à trouver la source de ce bruit un peu dérangeant. Tout en se dirigeant vers la même fenêtre que deux jours plus tôt, elle happe le petit paquet de terreau qui traîne sur l’étagère.

Minou pense que c’est  pour lui. Il se frotte aux mollets de Valérie. Il avait déjà tout oublié de l’incident et revenait auprès de sa maîtresse tout en ronronnant. Quelques caresses plus tard à Minou, Valérie ouvre la fenêtre de sa chambre et dispose méticuleusement un lit de terre sur l’appuie de fenêtre et sur le sol. Elle vaporise l’ensemble pour que le tout forme une masse compacte et solide.  Si quelqu’un passe par là, il va obligatoirement laisser des traces dans ce terreau humide.

Bien que cette idée ne semble pas mauvaise, Valérie a quand même peur du résultat.

Et si c’est quelqu’un qui l’épie ? Et si elle découvre des traces de pas ou d’une main ?

Elle sourit quand même un peu, elle se croit presque dans un tournage de film policier.

Elle a beaucoup d’imagination.

Pour l’aider dans sa psychose, l’ombre volante revient, elle aussi, le soir, avant le coucher du soleil.

 

Le lendemain matin, le bruit réveille à nouveau Valérie. Elle s’y attend un peu. Elle patiente quelques instants avant d’ouvrir doucement les rideaux. Elle ne voit toujours rien. Pas même une trace dans la terre !

 

Au bout d’une semaine, Valérie n’entend même plus ces bruits. Ses oreilles s’y sont habituées. Son cerveau en est devenu familier. Elle a arrêtée de se faire des films et même l’ombre ne la perturbe plus.

 

Mais quinze jours plus tard, ce bruit triple en volume et en temps. Ça devient agaçant, énervant. Ça tappe sur le système nerveux de la jeune femme.

Elle ne voit toujours rien et elle est sûre que cela ne peut pas provenir de la conduite d’eau un peu trop vieille ou des tuyaux du chauffage car c’est régulier, précis comme une horloge. Chaque matin, c’est à la même heure et chaque soir aussi. Et puis cette ombre, elle appartient quand même à quelqu’un ou à quelque chose, pense tout haut la jeune femme, comme pour s’en convaincre.

 

Valérie ressort alors sa vieille caméra. Cet engin est sans doute vieux mais fonctionne encore. Tout est fin prêt pour enregistrer le coupable de ce bruit, de cette ombre.

Elle change l’heure de son réveil pour être là avant que tout cela ne commence.

Dissimulée dans un tissu sombre, la caméra passe totalement inaperçue vu du dehors.

 

Sans voir quoi que ce soit, la jeune femme appuie sur le bouton enregistreur dès que les premiers bruits se font entendre. Au bout de quelques rapides secondes, elle manque de tomber à la renverse tant les bruits deviennent forts et proches.

Par précaution, Valérie s’est un peu éloignée de la caméra. Elle a pris son coussin entre les bras. La caméra continue d’enregistrer.

Minou qui est tout près d’elle entend aussi ce bruit. Sa queue bouge vigoureusement.

Il ne quitte pas les yeux de la fenêtre. Un miaulement timide sort de sa gueule fermée.

 

Soudain, le chat ne peut plus tenir en place. Il saute, d’un bond, derrière le rideau, sur l’appuie de fenêtre, et met ses pattes avant contre la fenêtre. Sa queue chasse toujours aussi sèchement, les mouches invisibles.

 

Le bruit a disparu. Minou a gagné ! Valérie est rassurée.

 

Toujours réfugiée dans son lit, Valérie rembobine la cassette vidéo. Une main cache ses yeux. Comme quand elle était petite, elle ne laisse passer qu’un trait de lumière entre deux doigts, juste assez pour voir un petit bout de ce qu’elle n’ose pas trop regarder.

Puis, un autre bruit, plus étouffé, sort de la bouche de la jeune femme.

La terrible chose qui lui fait si peur et qui intrigue autant Minou n’est rien d’autre qu’une famille de petites mésanges qui vient picorer le mastique de la fenêtre ! Elle enlève la main de sa bouche et rigole plus franchement !

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