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C’est sans espoir qu’elle s’installa à la tombée de la nuit sur le rocher rouge tout au bout de la baie. Encore une fois, ce soir, elle allait devoir récupérer ses petits, les calmer et les endormir. Cette journée avait été effrayante, encore pire que la veille. Déjà hier soir, elle avait dû user de patience et chanter pendant des heures avant de ramener le calme. Personne n’avait vraiment chahuté la nuit dernière, mais elle avait bien vu que tout son petit monde était secoué par des soubresauts.

Ce matin, au réveil, un coefficient particulièrement élevé avait attiré toutes les vaguelettes vers le large. Presqu’un kilomètre…. Elles en avaient profité pour folâtrer, s’amuser, se culbuter, faire des cabrioles et s’agiter en toute insouciance. Ah, elles seraient bien fatiguées ce soir ! C’était sans compter l’arrivée d’une dépression. Le vent s’était mis à souffler fort, agitant la surface de la mer, prenant les vagues par surprise. Une belle houle se mis à déferler au moment de la marée montante.

Au soleil couchant, la mer était comme une furie, attaquant la côte, la mordant à pleines dents, la cisaillant, taillant dans les dunes et chahutant avec les rochers. Les vagues étaient toutes perdues, agitées en tous sens, cognant, frappant. Elles avalaient le sable, le crachant un peu plus loin tout en toussant de l’écume. Elles ne cherchaient même plus à jouer avec les surfeurs, comme elles le faisaient d’habitude.

La berceuse remonta un peu plus haut sur son rocher, et commença à fredonner une comptine. Le soleil se couchait dans les nuages, le ciel devenait rouge, et la mer était toujours aussi déchaînée. Elle se faisait du souci. Ses petites vagues chéries allaient être trop fatiguées ; demain, elles ne pourraient pas aller jouer dans la baie et elles bouderaient. Elle se mit alors à chanter plus fort, d’une voix profonde et grave. Elle vit au bout de quelques minutes des pointes d’écume s’élever. C’était bon signe ! Elle voyait maintenant plusieurs petites oreilles qui l’écoutaient. Elle doubla son volume pour se faire entendre, et choisit un rythme plus doux pour essayer de ralentir leurs mouvements. C’est à la nuit noire qu’un semblant de calme revint, malgré l’agitation qu’on devinait sous les reflets de la lune.

Ce soir, ses vaguelettes chéries ne viendraient pas lui lécher les pieds délicatement. Le ressac serait long à amadouer, la colère des flots soulevant les vagues malgré elles serait difficile à contenir. Mais cela ne la gênait pas. Après tout, elle était là pour cela. C’était sa tâche et elle l’aimait. Elle lui avait été transmise par sa grand-mère, qui elle-même la tenait de sa grand-mère. Et oui, ça sautait une génération à chaque fois, mais les mélopées étaient toujours les mêmes depuis la nuit des temps.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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