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Une chevelure, véritable tignasse de lionne des déserts africains, attachée par un bandeau aux coloris chatoyants, comme ces nombreux reflets auburn où les flammes de l'enfer semblaient vouloir danser sans la pudique retenue des folles passions du peuple des gitans, s'agitait sous la lumière blafarde d'une vieille lampe suspendue.

 

À la foire des artisans du Bas-Richelieu, sur des affiches placardées de cartes postales aux couleurs vives brillaient à l'ombre d'un soleil excessif.

 

Sous une tonnelle défraîchie, un revendeur d'images offrait aux rares passants des cartes postales d'une autre époque. Elles se présentaient dans un mélange disparate lieux, de monuments et de bâtiments sacrés et séculiers. Toutes façonnées en papier cartonné dont les dégradés de noir, de gris et de blanc mettaient en valeur leur unicité touristique.  L'on pouvait ainsi admirer des temples anciens, des chapelles, des lieux saints et des églises allant de l'antiquité en passant par le moyen âge pour se terminer aux époques post-modernes.

 

À l'intérieur d'une tente en toile gominée à la graisse de sapin, une tireuse de cartes préparait son attirail. Des jeux de cartes abîmés attendaient dans des boîtes vétustes. Mais les plus divinatoires d'entre elles étaient celles dites des jeux du hasard. Des tarots de toutes sortes, aux grandeurs, formes et couleurs variés.

 

Dans cette minuscule pièce enfumée, un plafonnier des années cinquante que l'on avait recouvert avec un vieux tissu semi-opaque autrefois d'un rouge sanguin vif faisait office d'éclairage.

Une nappe pourpre aux franges effilochées cachait un vieux meuble. Un chandelier de cuivre ouvragé trônait sur cette table branlante à trois pattes dont la patine avait certainement souffert dans le temps. Le résidu gommeux contenu dans l'encens de mauvaise qualité dont elle abusait pendant ses longues séances de spiritisme semblait aimer s'y déposer avec grand plaisir.

 

La jeune femme croisait et décroisait les bouts de son châle rapiécé. Elle frissonnait. Ses immenses yeux hagards se perdaient dans le vague. Une odeur fétide et froide persistait malgré le mauvais parfum qu'elle portait en profusion et qui remplissait toute la pièce. C'était l'odeur de la diseuse de bonne aventure. C'était l'odeur moisie et rance d'un passage ouvert conduisant au monde de l'insolite et de l'inconnu.

 

Elle s'apprêtait à brasser les cartes. Les yeux dans le vide du vague à l'âme. Un regard sans âge. Un regard de quelqu'un de désincarné. De déjà ailleurs. Pas tout à fait entièrement de ce monde.

 

Mais couper M'dame, mais couper  bon sang. Coupé. C'est pourtant facile à comprendre Dieu du saint ciel de mes deux...

 

Ben voilà... En trois tas et de la main gauche en plus. Celle du coeur.

 

Hum ! Le Pendu, la tête à l'envers, c'était pas ben ben difficile à comprendre... Et puis la mort à la Faucille, cette maudite faucheuse à tout vouloir détruire... Et enfin, voilà qui est bien tourné, madame la grande blonde... Ce n’est pas une blague et patati  et bla-bla-bla en veux-tu en v'l'a... Et pas foutu de voir la route. Ce chemin qui mène au loin. Faut pas croire tout ce qu'on vous dit ma p'tite madame.

 

Et je vous l'dis, soyez ben à l'aise. Il y aura le bonheur au bout du tunnel. Du soleil gros comme un gros rarissime diamant. Et un mariage en grand flafla et tout le tralala.

 

Et voilà ma belle madame, c'est tout ce  que me disent vos cartes.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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