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Les deux hommes marchaient cote à cote.

_ Bien sûr que sa beauté est un masque. Elle est pour moi un de ces personnages du carnaval de Venise, élégante, habillée et gantée. Cet habit noir faisant d’elle l’ombre de d’une reine romaine nous dissimule bien des choses. Une reine, oui.

_ Mais de qui parlez-vous ? De Pauline ?

_ De qui d’autre veux-tu ?

_ Je… je ne veux rien d’autre. Je cherche à comprendre. Vous voyez Pauline masquée et vêtue. C’est incongru. Elle la jeunesse légère et l’épaule nue. Elle est la négligence joyeuse et la fleur lumineuse, et de parfum…

_ Ahah. Justement. Nous y voilà. Pauline est ma fille. Je ne la vois pas comme tu la vois, ou comme tout autre chenapan pourrait…

_ Mais. Monseigneur.

_ Silence ! » Orlan de Vallée dit cela de façon tonitruante, comme si, en qualité de colonel, il avait commandé la charge de cent mille hommes dans une vaste plaine. Il écouta le silence qui précéda, regarda droit dans les yeux Mickaël Dorbi et continua calmement. « Ma fille reste un mystère, pour moi, tout du moins. Ah ça, elle est belle. Innocente d’apparence. Un visage d’ange. Des yeux grands et couleur émeraude. Et aucune imperfection sur cette peau lisse, pour ce teint pâle. Rien sur quoi, quand je la regarde, je ne puisse m’accrocher pour sonder à minima l’âme de cette gamine qui est la mienne. Bon sang ! Il est là son masque. Et ce visage que l’on croit qu’il est tout ce qu’elle possède est précisément un masque. Oui ! Et derrière cette façade de frêle jeune fille, dès que j’ai le dos tourné, je soupçonne des tourbillons de tant de choses qui font désordre dans ma maison. »

_ Monseigneur. Il est vrai que Pauline a du tempérament, comme tous les jeunes gens de cette nouvelle génération.

_ Tu as bien raison, Mickaël. Nous vieillissons. Mais tout de même. J’ai la certitude que ma fille est dans quelques intrigues dépassant les murs qui sont les nôtres, dépassant également les turpitudes de la jeunesse. J’ai entendu parler d’elle dans d’étranges propos, hier, au Jardin des Plantes, et par le sous-préfet d’Artois. Alors, oui, Pauline est une enfant frêle, férue de botanique. Mais que fait-t-elle tout ce temps passé à soi-disant étudier ? Et ses sorties à Champigny ou à Sauvage, pour ses herbiers et acquisitions florales, qu’en est-il ? J’ai un étrange pressentiment… et quand je lis la presse, quand je me concentre sur ces ébauches de portrait de la fameuse et insaisissable Milady Clain…

_ Monseigneur de Vallée. Voyons. Quels propos ! Comment pouvez-vous faire de tels rapprochements ? Milady Clain.  L’espionne ? » Mickaël fit son signe de croix.

_ Mickaël. Ne dit plus rien, je te pris. Et garde des oreilles ouvertes aussi grandes que tu me fais tes gros yeux. Tu vas, à partir de maintenant, suivre Pauline et me faire chaque jour un rapport circonstancié. Comment faire le rapprochement, me dis-tu ? Voyons Mickaël. Tu as connu sa défunte mère. Et les louves ne font peut-être pas des chatons. C’est aussi simple que cela.

 Orlan de Vallée, le colonel, allait toujours droit au but. Mickaël compris qu’il fallait prendre congé sur le champ et faire sa priorité de ce cas.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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