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Comme elle est douce cette brise d'été.
Edouard s'est encore enfuit de chez lui, loin dans le champ de
luzerne de son voisin. Il aime le contraste de ces longues herbes
folles où s'incrustent sauvagement les points rouges des coquelicots
offerts à la houle. Il est encore partit pour échapper aux foudres
intempestives de sa mère concernant son manque d'activité, le
traitant d'incapable et de fainéant, lui disant qu'il ne fera jamais
rien de sa vie s'il ne trouve pas un emploi stable et qu'à vingt
trois ans on ne se contente pas d'enchaîner les petits boulots. Il
est encore partit se ressourcer au milieu de cette grande étendue
ondoyante. Pour se donner bonne conscience, il a emporté avec lui le
journal. Il l'a consciencieusement ouvert à la page des offres
d'emploi, mais il n'arrive pas à se concentrer. Il le pose donc à
côté de lui, y laissant ses lunettes se reposer pour mieux
s'abandonner à ses pensées oisives. Il ferme les yeux et laisse son
esprit se vider, invitant le souffle du vent à y prendre place. Ses
oreilles sont à l'écoute du moindre bruit, du moindre froissement
d'herbe, du moindre craquement des arbres qui se tortillent en
lisière de la forêt, bercés par le virevoltant aquilon. Un
bourdonnement à droite, un grignotement à gauche, l'écho vibratoire
d'une multitude de petites pattes, un concert de vie qui enrichit son
bien-être. Un pic-vert lance par intermittence quelques messages
mystérieux dans une sorte de morse animalier. Les cris rauques des
corbeaux répercutent l'annonce au reste de la vallée. Très haut, une
buse plane au gré des courants. Il sent son ombre écraser la lumière
du soleil à chacun de ses passages. S'il était un mulot, resterait-il
paisiblement étendu en pâture ? Non certes, il serait aux aguets et
s'inquièterait du moindre bruit alentours. C'est à cet instant qu'il
rouvre les yeux. Un grattement sur le papier journal a éveillé son
attention. Il tourne la tête. Les pages s'agitent sous l'effet du
vent qui évolue en rase-motte, perturbant le frêle équilibre des
pétales des pavots. Il se redresse et ramasse son quotidien. Mais où
sont ses lunettes ? Il cherche à tâtons tout autour, mais ne trouve
rien. Voilà une nouvelle occasion pour sa mère de l'incendier. Peu
importe ! Edouard tourne les talons et repart en direction de sa
demeure.
Au fond de son terrier, Blaise le mulot se réjouit de sa nouvelle
acquisition qui vient de s'ajouter à la ribambelle d'objets qu'il
récupère aux quatre coins de la parcelle.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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