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Constance tenait absolument à finir pour Noël...

Elle voulait terminer le plus vite possible ce canevas, dont elle avait elle-même conçu le dessin.

Il représentait la mer...

Sur la grève, des coquillages resplandissant de blancheur, tel un collier de perles sous le ciel gris et bas de l'hiver.... Et sur les dunes, quelques traces de neige, brillant doucement...

Elle avait longuement rêvé de ce paysage : la mer l'hiver... la mer sous la neige...

Comme s'il lui fallait réunir, en un seul regard, les saisons extrêmes ; et dans un seul souffle, le chaud et le froid.

Elle se relevait toutes les demi-heures, pour prendre du fagot les brindilles bien sèches qui allaient relancer la flamme de la cheminée, où se consumait lentement la grosse bûche de Noël.

Chaque fois qu'elle se levait, elle regardait tendrement le cher visage, sur lequel les traits tant aimés s'estompaient déjà, et où le regard, autrefois si lumineux, n'offrait à présent que deux pâles étoiles égarées.... mais parfois traversées d'un éclair de lucidité si palpable ! A ces moments, rares mais intenses, elle sentait au plus profond d'elle-même un puissant appel de la part de son fils. Elle s'asseyait alors au chevet de l'enfant et, les yeux plongés dans les siens, elle lui chantait une chanson, toujours la même, une berceuse qu'elle avait elle-même improvisée et intitulée : "La sérénade du solstice d'hiver pour mon garçon chéri...".

"Mon petit lutin", disait la chanson, "Maman va prendre dans son escarcelle les derniers sous de l'année, maman ira t'acheter des friandises pour la Noël, et maman t'offrira le plus beau de tous les cadeaux de Noël : le cadeau de tes rêves !".

Et l'enfant, chaque fois qu'elle chantonnait ainsi, souriait de ses maigres forces.

Son fils n'avait jamais vu la mer. Enfant des montagnes, la vie pour lui s'arrêtait doucement, dans l'année de ses cinq ans, sans qu'il puisse espérer un jour avoir le temps de réaliser son rêve de voir la mer. Alors elle avait dessiné les vagues, imaginé les tons pastels de l'horizon en subtiles dégradés de verts et de gris, et ne cessait de chercher dans le fouillis de ses fils à broder les couleurs blondes et cendrées d'un sable d'hiver... Pour son enfant. ...Sans oublier les reflets argentés de la neige, qu'il aimait tant...

Maintenant, elle priait.

Et cousait. Cousait...

Bientôt, elle accrocherait son œuvre au pied du petit lit, sur le mur bien blanc, pour que le dernier regard de son tendre amour soit pour le rêve indicible... celui que ses mains de mère avait rendu possible.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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