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- Vous voulez vraiment que je vous les raconte les secrets entre ma sœur et à moi !

Mais des secrets, justement, il ne faut pas en parler ! Sinon il risque d’arriver malheur !

Avec ma sœur, on a juré, croix de bois, croix de fer… Et puis on a signé avec le sang, vous voyez là, la petite cicatrice sur mon poignet !

Tiens, j’en ai deux, celle-là, je ne sais plus d’où elle vient !

 

- Tu as raison, les secrets, c’est sacré, il faut les garder bien cachés !

J’essayais seulement de te provoquer pour te faire parler, tu étais là et absente, avec ta figure de bois, à me fixer sans me voir ! 

Maintenant que tu es revenue, tu veux bien me parler de ta vie, de ce que tu aimes, de ta complicité avec ta sœur, de ce qui te vient à l’esprit ?

 

- Oui, ça, je veux bien, mais je ne sais pas par où commencer ! Hum… Oui… Oui, c’est ça, mais pas pareil !

Nous sommes deux sœurs jumelles, nées sous le signe des Gémeaux!  Si, si, c’est vrai… C’est pour çà que nos parents nous ont acheté le DVD, que nous connaissons par cœur… Mais nous la différence, c’est que nous avons treize ans et que nous nous ressemblons comme deux gouttes d’eau, brunes aux yeux bleus ! 

C’est ce qu’on dit ! J’ai regardé les gouttes d’eau, et bien, c’est même pas vrai, il y en a des petites et des grosses, des qui s’accrochent et d’autres qui dégoulinent, et les larmes, c’est pareil, mais salées ! Et les gouttes d’huile, et les gouttes de….

 

- Oui, tu as raison, je vois que tu es une petite demoiselle qui réfléchit beaucoup !

Mais si nous reparlions de vous, de toi, de comment tu ressens la situation ?

 

- Si vous voulez, mais c’était pour dire que nous sommes identiques, comme si on nous avait photocopiées, vous comprenez, on ne nous reconnaît pas l’une de l’autre, même nos parents ! Et on en profite ! 

Nous n’avons pas les mêmes vêtements, mais on les échange, ce qui nous amuse beaucoup et laisse les gens perplexes… C’est un jeu un peu pervers où on mystifie les adultes et on se sent supérieures. C’est un secret ! Zut, j’en ai révélé un, tant pis et il y en reste encore beaucoup d’autres !

Le secret terrible, je ne le dirai pas, même si on me frappe ! Je préférerais mourir. Il me tient le cœur enchaîné et la tête dans des tenailles. Ma sœur elle me tuerait, elle me ferait disparaître ! Mais faut pas croire que j’y pense souvent et que ça m’empêche de vivre! ......

 

- Nos parents nous ont donné des noms de fleurs, ma sœur Iris et moi Violette !

Violette j’aime bien, une violette c’est petit, caché, timide, mais ça sent très bon. J’adore le parfum, j’en vole souvent à ma mère, mon préféré c’est Poison ! Du poison qui embaume, c’est étrange, ça me plaît… Ma sœur Iris prétend qu’elle porte le nom de la messagère des Dieux, elle personnifie aussi l’Arc-en-ciel. Ca lui va bien, elle est très jolie…

 

- Mais c’est l’aînée, la première à avoir vu le jour, ça lui donne une autorité et un ascendant sur moi que je ne supporte pas toujours ! 

Elle peut m’empêcher de sortir, de parler, m’humilier et j’ai beaucoup de mal à regagner le droit à la parole, à cesser d’être telle un mannequin empaillé, qu’elle ne voit même plus ! Mais ça n’arrive pas souvent, sinon nous nous entendons très bien.

Nous pensons souvent les mêmes choses en même temps, et je peux arriver quelquefois à rentrer en contact avec elle, même si elle est loin, mais pas toujours. C’est difficile et épuisant, car il faut beaucoup se concentrer ! Ca arrive parfois, cette fusion chez les jumeaux ! Nous ne l’avons jamais dit aux parents, tiens c’est encore un secret ! Toujours des mots de trop que je laisse échapper ! Je suis trop bavarde, c’est ce que dit Iris, elle qui apparaît plutôt renfermée ! Si elle l’apprend, elle va me faire taire, me rendre transparente.

 

Puisque c’est trop tard, je peux vous en révéler un autre, de secret : 

voilà, nous avons inventé une langue rien qu’à nous, que personne ne peut comprendre. Ca a été un long travail, sur lequel nous avons passé des heures et des heures, mais quel plaisir de pouvoir discuter ainsi à l’abri des oreilles indiscrètes !

Une fois Nana nous a surprises, moi elle ne m’a pas vue, j’étais cachée derrière les rideaux et elle a dit à Iris :

- Ma pauvre fille, si tu soliloques comme ça dans la rue, les gens vont te prendre pour une folle.

 

- C’est vrai que nous sommes un peu folles.

Nana, c’est notre nounou, comme dans Peter Pan, sauf que ce n’est pas un chien, mais une personne d’une quarantaine d’années, douce comme le miel. Nos parents nous ont confiées à elle car ils ne sont presque jamais là !

Vous les connaissez, ils sont célèbres, notre mère comme chanteuse d’opéra, et notre père comme violoniste. Ils sillonnent le monde, parfois jouant ensemble, parfois non !

On correspond par mail ou par webcam, mais seulement une par une.

Quand ils reviennent à la maison, pour se faire pardonner, ils rapportent des brassées de cadeaux, tous en double, sinon c’est le drame. Je me souviens d’une poupée en un seul exemplaire qui avait provoqué une vraie crise de nerfs chez Iris ! Elle est fragile, nerveusement. Et moi, je sanglotais. Finalement, une fois le calme retrouvé, nous sommes devenues d’un commun accord ses deux mères, et nous l’avons baptisée Risette, un peu un mélange de nos deux prénoms.

 

Nana, qui s’appelle en réalité Yasmina, était la fille d’une amie de Maman, marocaine, qui faisait ses études de français dans notre pays. 

Une fois sa maîtrise obtenue, elle n’avait pas trouvé de travail à cause du racisme ambiant et du chômage.

Maman lui avait proposé de s’occuper de nous et de la maison, pour un salaire conséquent, pendant leurs déplacements, qui duraient parfois des mois.

Elle s’occupait de tout avec une grande conscience et nos parents lui faisaient confiance pour tout. Elle avait les pleins pouvoirs et les cordons de la bourse. Mais elle était surtout notre vraie mère, nous l’avions toujours connue, attentionnée, juste, aimante et consolante à la fois. Que c’était bon de terminer un chagrin enserrée dans ses bras, appuyée sur sa poitrine moelleuse comme un coussin, pendant qu’elle  murmurait à l’oreille des petits mots tendres. Elle nous avait veillées, présence apaisante lors de nos maladies infantiles, consolées de nos déboires face à la rude vie de l’école.....

 

- Iris passait des jours à remplir des cahiers, elle voulait être écrivain, quant à moi, j’adorais les animaux de toutes sortes et souhaitais être vétérinaire ! Le rêve de ma vie : avoir un ami animal familier et m’en occuper, mais les parents ne voulaient pas en entendre parler ! Nana non plus d’ailleurs !

Nana nous racontait de merveilleuses histoires de son pays, sables, oasis, soleils, déserts, nous parlait de sa famille dont elle se languissait, nous racontait les Mille et une Nuits et inventait pour nous des récits fabuleux, nous donnant le goût du voyage. Mais on restait toujours à la maison ! Iris était allée en Angleterre où elle avait une correspondante, moi pas, je rongeais mon frein et j’avais des rêves de romantiques et mémorables échappées… Plus tard, sans doute…

 

- Nous n’allions plus au collège, le collège venait à nous !

En effet, Iris n’allait pas bien, tombant dans une sorte de catalepsie, visage fermé. Elle était enfermée à clé dans son monde ! 

Parfois j’arrivais à l’en faire sortir en lui caressant la main ou en lui parlant notre langue inventée ! Alors elle redevenait qu'elle avait été, gaie, amusante et se plongeait de nouveau dans ses cahiers d’écriture, qu’elle ornait maintenant de dessins, comme si ces derniers lui permettaient mieux d’évacuer son mal-être ! Quand elle se mit à ne plus manger et à maigrir, Nana s’inquiéta et appela le médecin ; c’est lui qui l’a envoyée ici !

Vous savez, si ma sœur devait mourir, je ne lui survivrais pas ! C’est comme cela chez les jumeaux, ils ne forment qu’un seul être !

 

Soudain, il vit Iris le visage exangue, crispée, triturant son mouchoir, assise sur devant lui sur la chaise !

 

- Vous avez parlé à Violette, je le sais ! Elle a une imagination débordante ! Que vous a-t-elle raconté encore ?

 

- Ses plaisirs, ses envies, sa vie quoi ! Pour le reste, secret professionnel, désolé !

 

- Et toi Iris, qu’en penses-tu ?

 

- Ce que j’en pense !

Nous sommes deux sœurs jumelles, nées sous le signe des gémeaux… Livide, elle ne put continuer qu’en lançant ces mots : plus tard, je ne suis pas prête ! Et elle s’enfuit.

 

Le psychothérapeute l’avait pourtant deviné le secret des jumelles aux noms de fleurs !

Il faut dire que c’était son métier.

Et vous ?

 

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