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Il pleuvait sur la ville de Donegal depuis le début de la matinée.De sa chambre, Orianne observait la chute d’une multitude de fines gouttelettes. Elles formaient un rideau fluide, dansant et ondulant  devant sa fenêtre ouverte. Il y avait bien longtemps, qu’elle n’avait pas pris le temps de regarder tomber la pluie. Au plus loin qu’elle se souvenait, cela devait remonter à sa plus tendre enfance.Elle savourait sans retenue ce bonheur simple de la vie. C’était si bon de rester assise, visage au vent et de ne penser à rien. Il lui suffisait juste de laisser son regard voguer le long des courbes vertes des collines avoisinantes, de se laisser bercer par le rythme régulier et le bruissement léger des averses successives. S’évader, oublier sa propre existence dans la contemplation des paysages apaisants qui s’offraient à elle…c’était exactement ce dont elle avait besoin.

Les ondées et les paysages sauvages qui s’étendaient devant les yeux de la jeune femme étaient l’essence même de l’Irlande. Ils lui donnaient ce charme si unique et caractéristique.Ils exerçaient sur elle une extrême fascination, comme un envoûtement et devenaient presque une obsession. Ceci inquiétait d’ailleurs sa mère, qui ne comprenait pas sa passion pour ce pays. Elle le lui avait signifié une fois encore le matin même au téléphone: « Tu vois ma fille, je te l’avais bien dit, en Irlande il pleut tout le temps ! Comme tu dois t’ennuyer ma chérie !». Sa voix alliait un mélange subtil de reproches retenus et de sollicitude à peine masquée.Bien sûr, elle avait compris l’envie de partir de sa fille, même si cela ressemblait plus à une fuite qu’à de véritables vacances. Il  fallait qu’elle prenne du recul par rapport à son divorce. Son mariage avait été un désastre. David l’avait trompée, humiliée, détruite à petit feu. Il était nécessaire et même vital, qu’elle prenne un peu de temps pour elle-même pour pouvoir accepter, oublier, se reconstruire et enfin envisager un avenir meilleur…

Si sa mère approuvait ce voyage, c’était la destination qui la laissait sceptique. « Mais pourquoi l’Irlande ? lui avait-elle demandé avant son départ, d’un air contrarié. Choisis plutôt un pays ensoleillé où tu pourras aller à la plage, rencontrer du monde, et rentrer bronzée. Pourquoi vas-tu t’enterrer dans une région déserte, où il pleut tout le temps ? »

Pourquoi l’Irlande …comment aurait elle pu répondre à sa mère ? Elle n’arrivait pas à s’expliquer  cette envie soudaine, cet attrait irrésistible… Que signifiait ce besoin étrange de retrouver ses racines dans un pays qui lui était totalement inconnu ? D’où lui venait cette certitude qu’elle y trouverait la paix qu’elle recherchait ?

Son arrivée à Donegal ne lui avait pas encore donné de réponses. Mais, les paysages magnifiques, la tranquillité de l’auberge et la gentillesse des propriétaires avaient largement contribué à son bien être. A peine installée, elle avait ressenti une douce quiétude l’envahir. Elle avait fait le bon choix, elle en était sure…

 

Comme l’avait prédit Mr O’Cleary , la pluie cessa de tomber en milieu d’après midi.

Sans perdre de temps, Orianne enfila ses bottes et son manteau. Elle avait prévu de profiter de cette trêve annoncée pour se balader le long de la rivière. Lorsqu’elle descendit l’escalier, Mr O’ Cleary l’attendait devant la porte d’entrée pour lui donner quelques conseils sur les lieux à visiter et les précautions à prendre. Elle le remercia et lui promis d’être prudente.

Quand elle sortit, un air frais et vivifiant vint l’accueillir, caressant son visage et ses mains dénudées… La jeune femme resta immobile, quelques instants, s’imprégnant de la douce fraîcheur ambiante. Puis elle partit d’un pas vif et décidé.

L’auberge se situait à la périphérie de la ville de Donegal, près des rives de l’Eske.

Tournant le dos au centre-ville, itinéraire pourtant conseillé par l’aubergiste, Oriane prit la direction du nord, espérant trouver la charmante petite promenade, présentée dans son guide touristique. Elle n’avait que faire du château et des églises! Elle ne souhaitait pas se retrouver parmi une foule de touristes amoureux de vieilles pierres et de révélations historiques. Elle n’était pas là pour visiter des monuments… Mais pourquoi était-elle là finalement ? Elle n’aurait pas su le dire…

 

Oriane trouva rapidement un petit chemin dessiné dans l’herbe mouillée, qui longeait la rivière. Il était un peu boueux mais représentait le meilleur moyen de flâner sans se soucier des directions à prendre et sans risquer de se perdre. La jeune femme l’emprunta et se laissa aller au sentiment de liberté qui la gagnait peu à peu. Elle avait l’impression étrange de se trouver enfin, comme si elle marchait dans la voie qui était tracée pour elle depuis toujours. Elle eut alors le sentiment que toute sa vie se déroulait devant ses pieds, le long de ce chemin, comme si tout ce qu’elle avait vécu auparavant n’avait aucune importance. Elle reconnu ce sentiment, cette sensation d’oubli qui s’était emparé d’elle pendant qu’elle regardait la pluie. Cette perte de repères était à la fois effrayante et enivrante.

En proie au trouble, Orianne continuait d’évoluer dans une nature, d’une couleur verte aux nuances innombrables. Ces teintes omniprésentes, des collines aux prés bordant les rives de l’Eske, donnaient au paysage un aspect unifié et illimité. Les lumières changeantes du ciel Irlandais y ajoutaient, une note de mystère et un magnétisme, qui attiraient la jeune femme.Elle sentait son esprit se dénouer peu à peu et s’abandonner totalement à la magie des lieux.

Après une vingtaine de minutes de marche, elle aperçut enfin le sous bois dont parlait le guide touristique. Reprenant ses esprits, elle accéléra le pas pour le rejoindre.

Le petit chemin continua de la guider parmi les arbres. Elle se laissait mener, happée par le spectacle extraordinaire, qui l’attentait dans le bois. Entouré d’arbres protecteurs, le cours d’eau très peu profond en cet endroit, laissait libre cours à ses flots capricieux.  Des éclats de  lumière dansaient dans le feuillage des arbres et habillaient la rivière de reflets scintillants. Les cailloux et rochers, laissés à nus ou recouverts d’un mince filet d’eau, sublimés par ce halo semblaient d’or et d’argent.

Cette féerie laissa Orianne bouche bée. Mais l’émerveillement laissa place à une étrange évidence : elle connaissait ces arbres imposants, cette eau limpide et  mouvementée aux reflets dorés.Elle était déjà venue ici. Orianne ne pouvait expliquer d’où émergeait ce sentiment, mais c’était une certitude, elle reconnaissait cet endroit.

Mais comment était ce possible ! C’était la première fois qu’elle y venait…

 

Elle entendit une voix du fin fond de son rêve éveillé. Elle lui semblait familière.

«  Marie ? Marie est ce bien toi ? »

Marie ? Oui, elle s’appelait bien marie…mais pas dans cette vie, dans la précédente…maintenant elle s’appelait Orianne. Tout était si flou !

«  Non Orianne, parvint-elle à prononcer dans un souffle. »

Elle leva les yeux vers son interlocuteur. C’était un inconnu aux cheveux blonds et aux yeux doux dont la couleur était aussi changeante que le ciel d’Irlande… Au fond d’elle-même, son cœur lui disait qu’elle le connaissait depuis toujours.

« J’étais Marie…enfin je crois. Puis réalisant ce qu’elle venait de dire elle ajouta : vous devez me prendre pour une folle !  »

L’homme ne lui répondit pas, la regardant intensément. Soudain il lui prit la main et lui fit signe de le suivre. Elle ne résista pas, elle savait qu’elle pouvait lui faire confiance.

Il l’emmena hors du sous-bois, où dominaient de nouvelles collines, puis il lui montra du doigt les ruines d’une ancienne chaumière.

Ce fut un choc pour Orianne. La jeune femme fut submergée par les souvenirs… Cette chaumière était à eux. Marie et Tom, c’est ainsi qu’ils se prénommaient tous deux. Ils étaient mari et femme et avaient trois beaux enfants. Ils y menaient une existence simple et heureuse, proche de la nature, remplie des petits bonheurs de la vie quotidienne. Ils s’aimaient profondément et à la fin de leur heureuse existence, ils s’étaient tous deux promis de se retrouver, dans un autre monde ou dans une autre vie…

Orianne se tourna vers celui qui fut son mari pendant si longtemps en songeant, que sa vraie vie allait enfin pouvoir commencer…

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