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A ma descente du train, dans cette jolie ville de l’ouest où je vais pour la première fois, je m’empresse de demander mon chemin au premier passant venu. C’est à l’hôtel de la Paix que je dois me rendre, et j’y parviens au bout de quelques dizaines de minutes, il fait froid dans cette ville, je suis partie de chez moi par le grand soleil. Je grelotte et frissonne, m’étant habillée trop légèrement.

On m’avait prévenue, l’hôtel est cossu, un quatre étoiles, sa façade très blanche en demi-cercle soutenue par de robustes piliers, le luxe de ses salons ornés de lourds candélabres de cristal, tout présage à une nuit de bien-être et de douillet repos.

On me dirige vers la chambre, au troisième étage. Là, je ne suis pas déçue, il y règne une harmonie et une lumière tamisée, faite de petits spots indirects invitant au confort et à une intimité chaleureuse. Je dépose mes bagages, légers, car je ne suis là que pour une seule nuit, et vais faire une grande toilette dans la jolie salle de bains carrelée, reluisant de propreté, où rien ne manque à la satisfaction du client le plus difficile.

Puis je descends dans les salons avec un bon livre, histoire de passer le temps.

Une heure plus tard, je retourne dans ma chambre, enfile un déshabillé chatoyant et vaporeux, j’ai emporté avec moi le plus joli de ma garde-robe, et m’allonge mollement sur le lit. C’est alors que je les entends, ces bruits,  des bruits qui viennent de derrière la porte menant à la salle de bains, des gargouillis de robinets que l'on ouvre et referme, des crépitements de pommes de douche aux jets intermittents, des sons cristallins de flacons que l’on repose, des sprays qu’on utilise de manière brève, de petits râclements de gorge, des pas feutrés, un appareil électrique qui se met en route, des vêtements que l'on jette à la hâte… Et puis des odeurs de savonnages, de rinçages, des senteurs de menthe fraîche, enfin, il me semble se passer derrière cette porte tout un rituel bien établi, une mécanique bien huilée, comme la promesse d'un bonheur imminent, peut-être...

Mon cœur palpite à grands coups dans ma poitrine, puis je me mets à angoisser, à stresser à mort, puis il me vient des sueurs froides, puis des bouffées de chaleur qui font perler quelques gouttes sur mon front, enfin, ce grand moment d’émotion passé, mon corps se détend d'un seul coup, je me sens envahie d’un immense bien être, réalisant qu'il est peut-être enfin arrivé,   ce moment que j'attendais depuis des jours, des mois, des semaines , l'appelant, le désirant de toutes la force de mon être? Ce moment fatidique,  ce moment unique. Je pose ma main tout doucement sur mon sein, pour être bien sûre qu’il m’appartient bien, ce corps, qu’il s’agit réellement de moi et non pas d’une autre personne, que je ne rêve pas, que je ne vais pas me réveiller brutalement, comme bien souvent, chez moi, après un songe malheureusement irréel, que le miracle va  ce soir, se réaliser enfin… je me tâte encore une fois, oui, pas de doute il s'agit bien de moi…

Derrière la porte, le bruit s’est arrêté. Un instant de silence bref, mais qui me paraît être une éternité…La poignée de cuivre tourne tout doucement , la porte se libère progressivement de ses entraves, et … tu m'apparais dans la chambre, toi, mon amour, en tenue légère, beau comme un dieu, souriant, heureux, toi que j’attends depuis si longtemps, toi pour qui j’ai fait tout ce voyage pour te rencontrer l’espace d’une seule nuit. Toi que je ne reverrai peut-être plus avant des mois, parce que ta vie ne t’appartient pas et que nos destinées ne sont faites que pour nous croiser de temps en temps.

Oui, derrière cette porte se trouve toute ma vie, même si celle-ci est faite de petits bouts raccordés, même si je dois me plier aux exigences de ta vie , qui t’emmène trop souvent aux quatre coins de la planète, même si je dois patienter plusieurs mois, avant de te revoir, cette porte n’est pas un obstacle entre nous, elle nous ouvre en grand les battants du rêve et de l’amour fou, cet amour qui pour moi a eu ce soir pour avant-goût les clapotis de la baignoire, les gazouillis de l’eau et les  remous parfumés des ablutions qui mènent habituellement au rituel de toutes étreintes. La porte d’où j’espère ne voir jamais surgir quelqu’un d’autre que toi. Jamais.

Au moment où j’écris ces lignes, il me revient alors en tête, allez donc savoir pourquoi, la phrase du sage Rabindranàth Tagore, mon poète préféré : « La voix du gourou ne mène qu’à la porte du gourou » Mais n'y voyez là que pure coïncidence, car ce détail est sans importance.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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